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Photo du rédacteurLionel Leroi-Cagniart

Retour au travail après une longue absence ou l’éloge de la fuite

L’épuisement au travail mène au souvent au pire. Quelles prises en charge par l’entreprise pour faciliter le retour au travail qui requiert bienveillance et suivi ? Une responsabilité assumée ?


« Tard dans la vie »

Je suis dur.

Je suis tendre.

Et j’ai perdu mon temps.

A rêver sans dormir.

A dormir en marchant.

Partout où j’ai passé.

J’ai trouvé mon absence.

Je ne suis nulle part.

Excepté le néant.

Mais je porte caché au plus haut des entrailles.

À la place où la foudre a frappé trop souvent.

Un cœur où chaque mot a laissé son entaille.

Et d’où ma vie s’égoutte au moindre mouvement

Pierre Reverdy


Bien souvent la poésie est plus à même d’illustrer les troubles qui envahissent les êtres humains que de pauvres mots galvaudés qui ricochent sur la réalité du syndrome de leur épuisement professionnel. Le Burn out, en langage commun, a connu une forte croissance lors de la période du confinement. Les cadres en particulier sont entrés dans la crise alors qu’ils étaient déjà pour beaucoup exténués. Ils ont multiplié les efforts pour répondre aux contraintes posées par l’urgence, en revoyant en particulier les modalités de production. Ensuite ils se sont mobilisés jour après jour pour assurer la continuité de l’activité souvent en télétravail à des heures tardives. Après plusieurs semaines de ce régime, des milliers sont exposés à un risque élevé de burn out.


L’étude que nous avons menée en avril 2020 a montré que les élus du personnel que l’on peut considérer comme des cadres dans leur fonction de représentation en relation étroite avec leurs directions, ont été eux aussi très malmenés dans cette période puisqu’environ 1/3 d’entre eux se déclaraient en surmenage au même niveau que les DRH.


L’épuisement professionnel peut se comparer à un bâtiment qui a brulé et dont la façade renvoie cependant une réalité moins critique. Cet état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à la dégradation du rapport au travail doit être appréhendé dans toute sa complexité pour organiser au mieux un retour éventuel au travail de la personne. Celle-ci peut présenter une allure satisfaisante alors qu’elle se trouve profondément atteinte. Une attention singulière doit donc lui être portée lors de son retour au travail.


Le retour au travail après un syndrome d’épuisement professionnel s’avère critique

Dans le livre « Idées reçues sur le Burn Out » publié aux éditions du Cavalier Bleu, il y a quelques mois et co-écrit avec les médecins du travail Agnès Martineau et Bernard Morat, nous avions mis en évidence le processus en 4 étapes qui peut conduire la victime à l’effondrement. La personne dans un premier temps s’engage souvent avec passion dans son travail. L’épuisement c’est une réalité ne frappe pas les planqués. Il touche les forçats du travail qui s’enferment dans leur prison. Travailler beaucoup pour répondre à des exigences parfois disproportionnées apporte une satisfaction narcissique « Regardez je fais le job de 2 personnes et je réussis ! ». Au sein des univers traversés par les tensions et/ou avec une forte incertitude sur l’avenir, l’acharnement dans le travail répond aussi à un besoin de protection individuelle. La personne fortement investie trouve reconnaissance et satisfaction dans une activité compulsive qui lui procure sens et identité professionnelle. Cet engagement tend en outre à la protéger dans une certaine mesure des éventuels plans de réduction des effectifs. Dans un pays comme la France marqué depuis quarante ans par un chômage de masse et de longue durée, cette démarche sacrificielle se retrouve couramment. Après plusieurs mois la personne commence dans une seconde phase du processus, à sacrifier à son travail toutes ses autres activités : familiales, sociales, associatives, sportives etc. Cet abandon à la « toute puissance du travail » se trouve accentué à la troisième phase. Avec abnégation la personne fatiguée chroniquement, ayant perdu pied, peu à peu, commence à commettre des erreurs. Ses relations se tendent avec sa hiérarchie, avec ses collègues. De fait elle travaille trop. Lorsqu’on travaille trop, on travaille mal. On perd en lucidité et en créativité. On se coupe des autres. On ne se ressource pas à l’intelligence collective. Souvent le cynisme survient à ce stade ainsi que l’agressivité et la maltraitance. La pire des victimes n’est-elle pas celle qui fait d’autres victimes ? La perte de sens et de reconnaissance sanctionne les problèmes liés à la mauvaise qualité des prestations. La personne qui cherche à reconquérir « ce graal de la reconnaissance » s’impose parfois de travailler encore plus et verse pour finir en phase 4 du processus à l’effondrement. Ce dernier peut prendre plusieurs formes en fonction du stress chronique subi par l’organisme et de la résistance de chacun : dépression, accident cardio vasculaire, passage à l’acte suicidaire etc.



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